Les vaillants
Etêtés, mutilés, éventrés, calcinés, ils continuent, vaille que vaille …
De leurs maigres branches rescapées, noires et tordues éclosent de délicates fleurs d’un blanc rosé … d’abord timide, la floraison explose, sans prévenir … ils ne fleurissent pas tous en même temps :
certains sont précoces, d’autres tardifs … mais inéluctablement, ces forces vives vont faire tomber les derniers fruits qui avaient résisté aux vents venant de la mer, à ceux venant de la montagne, aux pluies rares mais violentes …
Cette année encore ces vaillants donneront leur lot d’amandes … personne ne viendra faire la récolte: ceux-là appartiennent au contingent des abandonnés … terres en friches, abords de sentiers communaux sont leur domaine … et comme ils ne se trouvent pas sur le chemin des écoliers, et que ces derniers ne musardent plus sur les landes ou dans les chemins creux, peu de chance de faire la régalade … les sportifs tous-terrains sont trop pressés … peut-être quelques promeneurs aimant glaner, ou ce berger solitaire … ?
…et même quand vous n’avez plus le moyen de fleurir, vous formez un écrin protecteur à d’autres fleurs …
… au pied de vos troncs sciés s’étale encore votre générosité …
Personnellement, j’apprécie les ultimes sculptures que vous offrez à mon regard …
Vous pouvez servir de borne entre deux chemins …
… ou de siège au promeneur fatigué …
… parfois le siège est bien fragile,
et devient l’abri d’une fourmilière.
Et quand il ne reste presque plus rien de votre grandeur,
quelques branches oubliées au sol peuvent encore servir de refuge aux hérissons !
En dernier lieu, c’est une modeste fleur des champs qui vous rendra un hommage subtil en déposant - comme un baiser - son ombre délicate sur vos os blanchis par la pluie et le soleil …
Amandiers, je vous aime !