Quand des nomadeuses se rencontrent et parlent de leur vie ... en mouvement (3)
Sous quelle forme as-tu nomadisé ? (mode de déplacement, nuits, vie au quotidien ...)
Lalla: Dès l'âge de 20 ans, je suis partie avec un break, une Peugeot 305 ...
Sylvie: J'ai démarré comme ça avant le camion: j'avais une mondéo break que j'avais aménagée, quelle joie !!! Sinon, en camion, ou avec le sac à dos, en stop ou en co-voiturage ...
Photo de Sylvie, son camion en phase relookage
Photo de Sylvie aux US, en mode "Heyoka"
Fanny: J'avais fait quelque chose comme ça, il y a longtemps, avec un copain, on était partis 3 mois en Afrique , en moto, avec deux malles pour une autonomie complète ... Sinon seule, j'ai voyagé pendant des années avec le sac à dos, en bus ou en co-voiturage ... En Amérique du sud, j'ai fait du woofing dans des fermes bio, ou bien je faisais du couch-surfing ... parfois, je revenais aux mêmes endroits, c'était comme une base ...
Angélique: En stop, avec le sac à dos ... j'ai vécu en communauté, et quand j'étais artiste de rue, je dormais dans la rue, ou bien dans les "casa de loco" ("maisons de fous"), des maisons pour les artistes de rue ... quand je faisais du stop, je dormais dans les stations-services pour ne pas rouler la nuit, en plus j'avais la douche et la sécurité ...
Photos d'Angélique sur la route ...
Photo d'Angélique en Casa de locos
Sylvie: Ce que je préfère c'est le camion ... avec le camion, tu es en contact avec la nature ...des fois on me dit "T'as pas de salle de bain !" mais ... j'ai des hectares de salle de bain !!! "T'as pas de chambre" , mais j'ai des milliers d'étoiles au-dessus de la tête !!! Pour dormir, je demande à l'Univers ... "Tu me trouves un petit coin tranquille, sécure pour la nuit" ... C'est seulement quand je me sens vulnérable, que je me pose dans un village ...
Lalla: Le problème dans les villages, c'est que tu te fais déloger ... et des fois, ça peut être super violent ... (anecdotes à l'appui)
Sylvie: Ah bon ... non, je trouve que c'est très rare ... En même temps, ça fait partie de notre condition de nomade, de ne pas savoir ce qui va se passer, et d'accueillir ce qui se passe, y compris ce genre de difficultés ...
Sylvie/Lalla : On est d'accord, pour le calme, l'obscurité, les besoins, on est mieux en pleine nature ... mais quand on n'a pas envie de chercher trop longtemps, le village c'est pratique ...
Sylvie: Comme je suis seule, je cherche quand-même assez longtemps l'endroit où me poser ... quand je me pose, je n'ai jamais peur ... sinon, j'arrête ...
Photo de Sylvie, l'intérieur de son camion
Lalla: Moi c'est pareil, mais maintenant que je suis en couple, c'est plus simple, je me repose sur lui ...
Fanny: Depuis que je suis rentrée en France, j'ai été hébergée dans de la famille, ou chez des amis, ou bien même chez des gens que je venais juste de rencontrer, et qui me disaient "Viens dormir chez nous" ...
Lalla: Quand je suis sur le chemin de Compostelle, je dors à la belle étoile ... mais à une époque j'ai aussi dormi dans la rue, ou dans des squatts, mais là, il y a de tout ... j'ai connu de mauvaises expériences, alors c'est fini, les squatts c'est à éviter ... mais à cette époque, j'étais obligée d'être en ville, je faisais la manche, de la récup' ...
Angélique: Moi je dansais (Amérique du sud) et des fois des mamies se joignaient à moi ... les gens nous donnaient à manger sur les marchés ... là-bas, tu vis avec le troc plus qu'avec de l'argent ...
Quel est, ou quel a été ton fil conducteur ?
Sylvie: la liberté, vivre l'instant présent, la découverte, les rencontres ...
Fanny: Suivre mes envies au moment où elles apparaissent ...
Sylvie: J'aime bien aller dans des endroits où je peux "faire avec" (avec d'autres personnes) : créer des spectacles, tirer des cartes, partir en randonnée ...
Photo de Sylvie, woofing en terre indienne
Au cours de cette discussion, il y a eu parfois des moments de flottement, soit d'autres personnes entraient et déviaient le fil de la discussion, soit l'une ou l'autre de nos nomadeuses bâillait et décrochait ... et revenait ... si bien que parfois, "l'interview" semble un peu décousue ...
De plus, pour moi, c'était une première, et poser des questions à plusieurs personnes à la fois, c'est très difficile: un groupe de personnes interrogées en même temps, c'est comme un organisme vivant, ça bouge, ça se développe, ça se rétracte, il y a beaucoup d'interactions, on part sur des questions non encore formulées, on revient sur la toute première, car la troisième ravive des souvenirs, ou déclenche des liens ... bref, j'ai trouvé ça étonnant, et je ne voulais pas intervenir pour rester sur "mon questionnaire": je trouvais ça beau, de voir que ce sujet passionnait, et évoluait quasiment sans moi ...
Je prenais tout en note, très vite, et parfois à la relecture, je ne peux comprendre ce que j'ai écrit, alors désolée les filles, je laisse ... J'ai remarqué aussi à la relecture, qu'il y a des phases avec de nombreuses interventions courtes, ou qui sont dans l'anecdotique, le factuel, et des phases de la discussion où l'une des femmes entre plus en confidence, plus dans des ressentis ... j'ai essayé de mettre un peu d'ordre dans tout cela, de rassembler les propos par thème, mais c'est compliqué, tout s'entrecroise ...
... alors pour la suite, je vais simplement suivre la choronologie de la conversation, parfois ça saute du coq à l'âne, mais je n'ai pas envie de trier, je trouve ça plus vivant comme ça ... je n'ai rien envie d'enlever non plus, car tout le monde a à la fois fait un effort (fatigue) pour participer, et à la fois a découvert que cette conversation permettait de mettre certaines choses au clair, permettait des prises de conscience, permettait aussi de se lâcher sur certaines choses qu'on s'interdit de faire quand on nomadise, tout simplement parce qu'il faut tenir le coup ... alors par gratitude pour mes soeurs nomades, je vais continuer à transcrire l'intégralité de cette conversation ... de plus je trouve ça très intéressant, même si ce n'est pas "professionnel" dans la forme, car on voit que certains propos évoluent au fil de la conversation ...
Dans les prochaines pages, il sera question des moments des bons et des mauvais aspects de ce mode de vie (les joies et les peines), de l'aspect intiatique, notamment par rapport aux questions existentielles ...